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En Tunisie, les jasmins sont en fleurs !


« En Tunisie, les jasmins sont en fleurs », pouvait-on lire sur une pancarte fièrement levée dans le ciel parisien, samedi dernier, au cœur d’une magnifique manifestation de joie et de soutien au peuple tunisien. Après vingt-trois ans d’un pouvoir répressif, Zine el-Abidine Ben Ali a été destitué par le peuple – cette force vive ignorée en Tunisie comme dans tant de régimes autoritaires et qui, du jour au lendemain, a repris le pouvoir – une révolution démocratique.

En moins d’un mois, donc, le peuple est venu à bout de son dictateur qui n’avait de président que le nom – même si, comme certains s’amusent dorénavant à faire remarquer, une certaine libéralisation du régime s’était amorcée dans les dernières années, comme en témoigne son score relativement faible à la dernière élection présidentielle – seulement 89,62% des voix…

Tout a commencé par ce drame – Mohamed Bouazizi, 26 ans qui, désespéré par les conditions de vie, désespéré de la malveillance d’un régime policier, s’est immolé par le feu devant le siège du gouvernorat qui l’avait auparavant débouté dans ses requêtes de clémence policière. « Je quitte, maman, pardonne-moi, les reproches sont inutiles, je suis perdu sur un chemin que je ne contrôle pas, pardonne-moi, si je t’ai désobéi, adresse tes reproches à notre époque, pas à moi… ». Ses derniers mots détonnent par leur simplicité, leur profondeur – ils touchent par la justesse du constat désabusé livré sur la condition humaine sous le régime de Ben Ali. Ils détonnent tant qu’ils ne tarderont pas à enflammer le pays, ébranlant avec une force croissante un régime sans que jamais personne ne pense qu’il finirait par tomber – jusqu’à ce vendredi 14 où le monde apprend avec stupeur que le peuple a eu raison de son bourreau – que Ben Ali n’est plus en Tunisie.

Pourtant, quelques jours auparavant, la France, par la voix de sa ministre des Affaires Étrangères, n’avait pas manqué, dans un sombre élan aux relents néo-colonialistes, de proposer aux forces policières tunisiennes – qui, rappelons-le, tirait alors à balles réelles sur le peuple manifestant pacifiquement – son aide et son expertise en matière de régulation des ardeurs populaires – que reste-t-il du Pays des Droits de l’Homme ?

Comme le souligne Laurent Joffrin dans son éditorial du 17 janvier, le succès de cette révolution en pays arabe renvoie également les « grands prêtres du choc des civilisations » dans leurs cordes : oui, les libertés fondamentales le sont tout autant à Paris qu’à Tunis, à Washington qu’à Beijing – et aucun peuple, quelque soit sa culture, sa religion, sa philosophie, ne se résignera jamais à une dictature – « celle d’Allah ou celle du Parti ».

Reste maintenant pour les Tunisiens à gérer comme il se doit la transition démocratique qu’il convient de mettre en œuvre. Comme me le rappelait en fin de semaine un syndicaliste tunisien, les islamistes commencent à sortir de leurs cachettes à la faveur de l’anarchie qui règne dans le pays. Le gouvernement d’Union nationale mis en place a pour objectif l’organisation rapide d’élections législatives et présidentielles. Aux partis démocratiques de convaincre le peuple pour l’empêcher de tomber dans un extrémisme forcément préjudiciable à terme pour ses intérêts propres.