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L’audace d’un mouvement social nouveau !


Ca y est, la France des travailleurs, celle des opprimés par la politique gouvernementale, s’est (enfin) mis en branle à la faveur d’une hasardeuse réforme des retraites. Partis politiques, syndicats, associations, toute la gauche fait front commun contre la réforme proposée par un Président qui avait pourtant promis que, lui à l’Elysée, l’âge de départ à la retraite ne serait pas repoussé. Mais la crise est passée et les discours ont changé. Ainsi, depuis quelques mois, le gouvernement laisse entendre qu’une telle réforme est « inévitable », que s’y opposer revient à mettre en péril notre système de retraites par répartition, système né après la Seconde Guerre mondiale et pierre angulaire de la solidarité nationale. Grâce à des médias parfois complices et souvent passifs, beaucoup ont adhéré à ce message gouvernemental : on vit plus longtemps, il est donc normal que l’on travaille plus longtemps.

Mais, attendez, dites-moi où il est écrit que parce que l’on vit plus longtemps, on devrait travailler plus longtemps ? Où il est écrit que les progrès scientifiques qui nous ont permis d’allonger l’espérance de vie devraient être contrastés par une régression sociale ?

Là n’est cependant pas le point. Si je soutiens tout à fait la cause des grévistes d’aujourd’hui et si je me rallie volontiers aux manifestations – sauf les jours, comme aujourd’hui, où j’ai une dissertation sur le droit hindou à pondre !, un autre point me taraude : la méthode. C’est pas nouveau : une grève, c’est (beaucoup) moins de transports en commun, des usagers qui râlent, qui attendent un quart d’heure sur leur quai en rouspétant, qui s’entassent dans un métro bondé et qui, au final, sans même comprendre la portée politique d’une telle action, la méprisent parce qu’elle atteint à leur petit confort quotidien. Ben oui : beaucoup de gens sont « contre la grève » quelque que soit la grève, parce que la grève, ça les emmerde ! Il n’y a qu’à les entendre, les Parisiens dans le métro – « Putain, ils font chier avec leur grève » ; « C’est pas possible, encore en train de protester !? ». C’est triste parce que les grévistes se battent pour une cause juste, importante, primordiale même – se battent aussi pour ceux qui râlent et qui, passagers clandestins sans même le savoir, profitent des avantages sociaux acquis grâce à la lutte de ces « emmerdeurs de grévistes ».

Ne serait-il pas temps, dès lors, d’inventer une nouvelle forme de mouvements sociaux ? La grève comme paralysie des services publics n’est-elle pas démodée à l’heure où de plus en plus de monde voue un culte à son petit confort personnel et dénigre la puissance potentielle de l’action collective ?

Or, sans le soutien de la population, un mouvement social est voué à l’échec ! C’est d’ailleurs sur cette stratégie que Nicolas Sarkozy a construit une partie de sa popularité électorale : certes, il y a quelques millions de personnes dans le pays qui font grève lorsque leurs acquis sociaux sont menacés, qui manifestent quand il faut monter au créneau pour dénoncer tel ou tel projet destructeur ou dangereux. Mais il y a aussi et surtout tout le reste du pays, la « majorité silencieuse », qui déplore la paralysie engendrée par de tels mouvements sociaux. Et ceux-là, il faut les convaincre du bien-fondé de tels mouvements, il faut se les mettre dans la poche !

A Paris, dans le métro, par exemple, pourquoi ne pas faire des jours de grève des « journées portes ouvertes », où les tourniquets tourneraient sans tickets et où l’accès serait libre ? Pourquoi les conducteurs ne liraient-ils pas, dans leur métro, un communiqué expliquant leur mécontentement – pourquoi n’expliqueraient-ils pas aux usagers, tout simplement, contre quoi et pourquoi ils protestent ? Beaucoup de gens n’ont malheureusement pas le temps ou pas l’intérêt de s’en informer mais pourraient être convaincus si on prenait un peu de temps pour leur expliquer !

Dans l’Education nationale, pourquoi les maîtresses et les maîtres ne prendraient-ils pas en charge leurs élèves, comme d’habitude, sauf qu’au lieu de leur faire une classe normale, ils ne feraient que des activités culturelles, artistiques, sportives, ludiques – des jeux ?

Alors, bien sûr, tous ces gens là restant au travail, ils ne participeraient pas aux manifestations – changer les mouvements sociaux, c’est peut-être aussi arrêter le culte du chiffre dans les manifestations ? L’autre solution étant de multiplier les manifestations le weekend, afin de permettre à plus de monde d’y participer. Il ne faut en effet pas oublier que beaucoup de travailleurs soutiennent les mouvements sociaux mais ne peuvent faire grève par peur de leur patron ou par nécessité financière.

Ce ne sont que des propositions, des traits de crayons de papier sur l’aquarelle du changement des mouvements sociaux – mais je pense qu’il faudrait prendre le temps, à gauche, d’analyser les forces et faiblesses des mouvements sociaux tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui et de penser de nouvelles actions collectives, qui rallieraient dans une ambiance festive une plus large partie de la population et éviterait l’écueil préjudiciable d’aujourd’hui où le pays se scinde entre grévistes et « victimes » des grèves. Parce qu’il n’y a pas de « victimes » des grèves ; à la gauche de faire comprendre à tous que si des travailleurs se mettent en grève, c’est pour défendre des acquis sociaux, conquérir des droits – et ce au bénéfice de l’ensemble de la population.